mercredi 12 avril 2017

«44 TIROS», UNE CHANSON RÉCLAME JUSTICE POUR VICTOR JARA

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« 44 TIROS » EST UNE CHANSON DE PHILIPPE COHEN SOLAL (GOTAN PROJECT) 
© ¡YA BASTA! RECORDS
BASED ON: "LA PARTIDA" BY VÍCTOR JARA 
SCRATCHES: DJ NAKEYE
RECORDING & MIX: MARC DAMBLÉ @ SUBSTUDIOZ, PARIS
PRODUCED BY PHILIPPE COHEN SOLAL
LICENCE YOUTUBE STANDARD  
DURÉE : 00:03:05

    Philippe Cohen-Solal (Gotan Project) rend hommage au chanteur assassiné par la dictature de Pinochet en 1973. On y entend pour la dernière fois Angel Parra, proche ami de Jara, mort il y a un mois.
    Par François-Xavier Gomez
    il y a un mois, le 11 mars, disparaissait le chanteur chilien, parisien d’adoption, Angel Parra. Une de ses dernières collaborations artistiques a été dévoilée mardi sur Internet : un hommage à son compatriote Victor Jara. Tous deux militants de gauche et soutiens du gouvernement d’unité populaire de Salvador Allende, ils furent arrêtés lors du coup d’Etat du général Pinochet, le 11 septembre 1973. Jara est torturé puis abattu dans un stade de Santiago. Parra est enfermé dans un autre stade, puis transféré dans le camp de détention de Chacabuco. Les pressions internationales l’en feront sortir au bout de cinq mois.

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    « 44 TIROS » EST UNE CHANSON DE PHILIPPE COHEN SOLAL (GOTAN PROJECT) 
    © ¡YA BASTA! RECORDS
    BASED ON: "LA PARTIDA" BY VÍCTOR JARA 
    SCRATCHES: DJ NAKEYE
    RECORDING & MIX: MARC DAMBLÉ @ SUBSTUDIOZ, PARIS
    PRODUCED BY PHILIPPE COHEN SOLAL
    LICENCE YOUTUBE STANDARD  
    DURÉE : 00:03:05

      C’est Philippe Cohen-Solal, un des trois fondateurs de Gotan Project, qui a imaginé cet hommage. «Je suis révolté de voir que l’assassin présumé de Jara, Pedro Barrientos, coule des jours paisibles en Floride, confie le musicien. J’ai voulu traduire cette colère en musique, et j’ai fait appel à Angel Parra, dont il était l’ami.» Dans un récitatif, de sa belle voix de baryton, Parra reprend les mots du défunt dans sa chanson El Aparecido : «Correle, correle…» (Echappe-toi, ils veulent te tuer).

      Scratches et journaux radio

      Philippe Cohen-Solal, qui ne souhaitait pas utiliser la voix de Victor Jara, a samplé l’intro d’un instrumental de sa composition, La Partida, joué à la guitare et au charango. «J’ai ensuite demandé à DJ Nakeye, un musicien chilien installé en France, d’ajouter des scratches. Et j’ai introduit des extraits de journaux radio qui annoncent les procès intentés aux assassins de Jara. En trois langues, espagnol, français et anglais, pour que le message touche le plus d’auditeurs possible.» 

      Le morceau s’intitule 44 tiros, pour les 44 impacts de balles relevés sur le corps du chanteur, selon le rapport d’autopsie. Barrientos, surnommé «le Prince», a été identifié par plusieurs témoins comme étant le bourreau, l’homme qui a tiré le coup de grâce, en pleine tête. En 1995, quand la défaite de Pinochet lors d’un référendum fait entrevoir la chute de la dictature, le militaire s’enfuit aux Etats-Unis, et obtient la citoyenneté américaine par mariage. Il se fait oublier sous une couverture de paisible vendeur de voitures, mais à l’issue d’une longue bataille juridique, un tribunal américain le condamne, en septembre 2016, à payer une indemnisation de 28 millions de dollars à la femme de Victor Jara et à ses filles. De recours en report, la procédure est loin d’être terminée. Les avocats de la famille Jara cherchent désormais à le faire extrader au Chili en faisant valoir qu’il a émigré grâce à un délit de parjure : il a passé sous silence son passé de tortionnaire.

      Militantisme sur le dancefloor

      Pour le fondateur et producteur de Gotan Project, 44 tiros est une chanson engagée de l’ère électronique. «Mon enfance et mon adolescence ont baigné dans les chants révolutionnaires d’Amérique latine qu’écoutaient mes parents», explique-t-il. La dimension politique était d’ailleurs présente dans Gotan Project, formation en sommeil depuis plusieurs années. «DJ à la grande époque des rave parties, je me disais qu’on ne devait pas se contenter d’une musique édénique, hédoniste, sans enjeu social. Au contraire, je pensais et je pense toujours que, sur une piste de danse, le cerveau est en éveil.» Ce n’est pas un hasard s’il a baptisé son label Ya Basta, du titre d’un livre du sous-commandant Marcos.

      On se souvient que deux titres emblématiques du trio samplaient les voix d’Evita Perón (El Capitalismo Foraneo) et de Che Guevara (Queremos Paz). Mélangés à des bruits de la rue, captés en Argentine lors de manifestations ou de cacerolazos (concerts de casseroles). Cet engagement militant a peut-être échappé à une partie des millions de fans qui ont dansé sur les tangos électroniques de Gotan. Un malentendu a en outre mortifié le trio, qui refusait que sa musique illustre des campagnes publicitaires. Se sont alors multipliés des titres «à la manière de» qui ont fait croire que Gotan dénonçait le capitalisme tout en acceptant le pognon de l’industrie du luxe. Une fois pour toutes, c’est totalement faux.

      Mains broyées

      Le nom de Victor Jara, donné à des rues ou à des médiathèques à travers la France, revient périodiquement. Bruce Springsteen l’a chanté lors de son premier concert à Santiago du Chili, en 2013, avec plus d’émotion que de justesse, mais qu’importe. Zebda a perpétué sa mémoire dans Comme un guitariste chilien, qui associe La Partida à un poème de Kateb Yacine. Les plus anciens se souviennent de la Lettre à Kissinger du Wallon Julos Beaucarne, qui décrivait son martyre suivant la version qui circulait à l’époque (1975) : les militaires auraient tranché à la hache les doigts du chanteur, avant de lui lancer : «Et maintenant, joue de la guitare.» La vérité n’était pas très éloignée : il eut les os des mains broyés à coups de crosse.

      Militant communiste, Victor Jara chantait les bienfaits du socialisme et des odes à Ho Chi Minh ou à Che Guevara, mais aussi les plaisirs simples du monde paysan où il avait grandi : une gorgée d’eau-de-vie, la cigarette qu’on roule pour se réchauffer, le rouge éclatant d’un piment qui pousse en plein désert. Il avait recueilli l’enseignement de Violeta Parra, la mère d’Angel Parra, folkloriste et compositrice dont le Chili célébrera le 4 octobre le centenaire. 44 tiros et la dernière fleur née des graines qu’il a semées. Il y en aura d’autres. Comme il le chantait dans Manifiesto : «Là où tout arrive à son terme / et là où tout recommence / le chant qui a prouvé son courage / sera toujours un chant nouveau.»

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